Qu'est-ce que l'alcool ?

L'alcool éthylique, éthanol ou "alcool" est connu depuis l'Antiquité pour être le constituant essentiel de la plupart des boissons toxiques, autorisées par certaines sociétés. Il résulte du processus de fermentation des fruits ou des légumes qui transforme les sucres en alcool éthylique par l'action des bactéries. La distillation extrait l'alcool pur des boissons fermentées.

Formule développée de la molécule d'ethanol 
                                             
Molécule d'éthanol


Toutes les boissons alcoolisées commercialisées contiennent la même quantité d'alcool pur (soit environ 10 grammes) mais sous des volumes différents.


LES EQUIVALENCES EN VERRES



Chacune des boissons ci-dessus contiennent la même quantité d'alcool. Cependant les centilitres ne sont pas les mêmes, ce qui montre que certaines boissons alcoolisées sont plus ou moins fortes et entraine des effets plus ou moins importants sur l'organisme.


Absorption de l'alcool

L'absorption et la diffusion de l'alcool dans l'organisme : 


Schéma de l'absorption et de l'élimination de l'alcool
dans l'organisme


Comme pour l'absorption des aliments, l'alcool passe dans le tube digestif puis dans la circulation du sang, qui le véhicule ensuite dans toutes les parties de l'organisme en peu de temps, (20 à 30 minutes). Cependant, la vitesse d'absorption varie selon diverses facteurs :  elle est plus longue si l'individu ayant ingurgité de l'alcool mange avant, ou pendant la consommation d'alcool, et elle est plus rapide, si l'individu est à jeun (environ 15min).


La formule suivante permet de calculer le taux d'alcoolémie (c'est-à-dire le taux d'alcool dans le sang) : 




Exemple : Pour 1/2 litre de vin à 10 ° pour un homme de 70 kg, l'alcoolémie sera de : 

Taux d'alcoolémie = (500 x 0,10 x 0,8) / (70 x 0,7) = 0,81 g/L

Ce qui signifie que les 40 grammes d'alcool contenus dans 1/2 litre de vin à 10° sont répartis dans environ les 5 litres de sang de l'organisme, ce qui correspond à 0,80 g/l.



L'alcool est soluble dans l'eau et les graisses, or notre corps humain est constitué de 70 à 80 % d'eau. Il diffuse donc dans tous les tissus, notamment dans le cerveau.

Métabolisation et élimination de l'alcool dans l'organisme : 

L'alcool est un produit toxique pour l'organisme, dont 90 % sont dégradés uniquement par le foie. Ils existent d'autres voies par lesquelles le reste de pourcentage d'ethanol est éliminé : les urines, l'air expiré, la sueur, le lait maternel.

L'élimination hépatique de l'alcool est représentée par la courbe d'alcoolémie

L'Acétaldéhyde : L'acétaldéhyde est le premier produit d'oxydation de l'éthanol dans le processus qui mène à l'acide acétique. Il est produit par l'enzyme appelée alcool déshydrogénase que l'on trouve principalement dans le foie, mais aussi dans la rétine en plus faibles quantités. Généralement, plus un individu est gros plus son foie est gros et plus vite l'alcool est métabolisé et éliminé du sang. 

La décroissance du taux d'alcoolémie : 

Cette décroissance varie dans le temps en fonction de l'individu dans des proportions de 1 à 3, en raison de différents facteurs environnementaux et génétiques, et est en moyenne de 0,15 grammes par heure.

Certains individus (femmes, enfants..) sont plus sensibles que d'autres aux effets néfastes de l'alcool par manque d'ALDH, enzyme de dégradation de l'acétaldéhyde (poison cellulaire) premier stade de dégradation de l'alcool. 

Formule développée de l'acétaldéhyde

Elimination de l'alcool par le foie

La toxicité de l'alcool tient au maintien d'une alcoolémie et d'une concentration en acétaldéhyde constamment élevées, d'où les risques d'une consommation régulière d'alcool. Cette toxicité varie selon les personnes. C'est pourquoi, pour une même consommation, certains auront plus rapidement des complications organique que d'autres.

Exemple d'évolution du taux d'alcoolémie dans le temps : 

Pour une consommation de 3 verres standards (30 grammes d'alcool pur), en dehors d'un repas, l'alcoolémie d'un homme sera de 0,54 g/l et il faudra près de 4h pour retrouver une alcoolémie nulle. Pour une femme, l'alcoolémie atteindra 0,86 g/L et il faudra 5h pour atteindre une alcoolémie nulle.





Les conséquences de l'alcoolisation chronique


Physiologiquement, l'alcool a une action dépressive et anesthésique ; dans une stade d'intoxication avancée, les effets sont similaires à ceux provoqués par une lobotomie frontale.

(La lobotomie est une opération chirurgicale du cerveau qui consiste en une section ou une altération de la substance blanche d’un lobe cérébral


Elle est désormais interdite dans de nombreux pays et n'est plus considérée comme une bonne pratique dans la médecine actuelle).











Les effets psychotropes


L'alcool est un produit dont les effets varient en fonction de la quantité absorbée et de son mode de consommation.

 Prise aiguë : C'est l'excès d'alcool. La prise excessive d'alcool a des répercussions immédiates tant sur le plan psychique que physique.

Prise chronique : C'est le fait de ne pas pouvoir se passer d'alcool au quotidien ce qui signe la dépendance physique et psychique.


En prise aiguë pour de faibles doses, l'alcool a d'abord un effet euphorisant et désinhibiteur avec une phase d'excitation psychomotrice accompagnée parfois de comportements agressifs. Lorsque les doses augmentent, apparait une phase d'incoordination et d'instabilité psychomotrice pour conduire. A forte dose, il provoque l'endormissement de l'individu, voir le coma (coma éthylique).

La prise chronique d'alcool entraines des dommages organiques tels que les maladies du foie, du système nerveux, du pancréas, des cancers... Et des dommages psychiques (anxiété, dépression...) et socio - familiaux : l'individu peut se montrer agressif, violent, peut perdre toute motivation, se retrouver au chômage...



Les effets et l'action de l'ethanol sur le système nerveux central 


L'alcool agit sur toutes les cellules du cerveau (les neurones) en altérant leurs membranes par dissolution des graisses qui les constituent  (phospholipides). Leur fonctionnement s'en trouve donc modifié.  

L'alcool modifie l'équilibre entre les hormones du cerveau, appelés neurotransmetteurs ou neuromédiateurs, molécules qui permettent la communication entre les cellules nerveuses au niveau des synapses (jonctions entre les cellules nerveuses). L'alcool modifie également l'échange des informations entre les neurones, ce qui entraine des effets excitateurs et inhibiteurs. 

Sur cette synapse on voit les vésicules présynaptiques contenant les neuromédiateurs
et les sites de liaisons postsynaptiques vers lesquels migrent ces derniers
lorsqu'ils sont libérés

L'un de ces neuromédiateurs, l'acide  γ-amino butanoïque, ou molécule de GABA, agit normalement en se fixant sur une molécule  de protéine située à la surface de la cellule nerveuse présynaptique (située en amont) d'une synapse, et inhibe l'activité cellulaire. 


Molécule de GABA






Cette inhibition provient d'une déformation localisée que le GABA provoque dans la structure de la membrane cellulaire et qui se traduit par un élargissement des canaux qu'empruntent les ions chlorure pour pénétrer dans la cellule. La concentration de ces ions augmentent à l'intérieur de la cellule, ce qui modifie la différence de potentiel membranaire et la cellule n'est plus capable de déclencher un signal. La molécule d'ethanol ne dispose pas de site récepteur qui lui soit propre mais il semble qu'elle se dissolve dans la membrane lipidique du neurone, ce qui fait augmenter la fluidité de celui-ci. Cette fluidité facilite l'accrochage du GABA et favorise ainsi l'élargissement des canaux chlorés, donc l'inhibition du GABA s'en trouve accru. L'ethanol peut également rompre les membranes des nerfs de façon généralisée et gêner la propagation des potentiels d'action, conduisant à un autre type d'inhibition plus généralisé.

Inhibition
Dans tous les cas, l'alcool a un effet toxique sur les cellules neuronales et sa consommation chronique perturbe leur bon fonctionnement et altère leur structure de façon parfois irréversible pouvant aller jusqu'à la mort des cellules.

Les effets sur le système nerveux périphérique 


L'alcool est toxique pour les nerfs périphériques des membres inférieurs : les polynévrites (mais aussi des yeux : névrite optique)... Cela produit des fourmillements et des troubles sensitifs des jambes ainsi que des douleurs parfois masquées par l'effet anesthésiant de l'alcool, des crampes, une sensation de pieds froids, une faiblesse musculaire, qui peut mener à une impotence avec difficultés de la marche (steppage). 


Les effets sur le foie


L'alcool provoque dans le foie une accumulation de corps gras, puis une inflammation et, enfin, des lésions irréversibles des liaisons hépatiques. Les maladies du foie se développent successivement au cours des années et sont de plus en plus graves : dégénérescence graisseuse du foie, hépatite alcoolique, cirrhose et cancer. Le risque de destruction du foie est proportionnel à la quantité et à la durée de la prise d'alcool. 

A gauche : Un foie normal (après autopsie)
Sa surface est régulière, lisse et de couleur rosée.

A droite : Foie atteint d'une cirrhose (après autopsie ou ablation pour greffe)
L'organe est déformé, sa surface est plus ou moins bosselée et parfois verdâtre.

Il existe deux types d'effets induits par l'alcool sur le foie :

La stéatose : c'est le premier stade de la consommation chronique d'alcool . Il correspond à un dépôt de graisse à l'intérieur des cellules. Ces graisses sont triglycérides. On les retrouve dans le sang à des taux très élevés  chez les consommateurs excessifs d'alcool. Le foie augmente de volume (hépatomégalie). La stéatose régresse en principe à l'arrêt de la consommation d'alcool. 

Photographie microscopique d'un fragment de
tissu hépatique au stade de fibrose F4. 

On parle à ce stade de cirrhose : l'architecture hépatique est altérée.
L'alternance espaces portes / veines centrolobulaires a disparu.
La fibrose (rose magenta) est annulaire et
délimite des nodules de régénération (rose pâle).
La stéato-nécrose : Elle se caractérise par 3 types de lésions : une atteinte des cellules aux foie, une fibrose, des nodules.  Le volume du foie, augmenté initialement au stade de stéatose commence à régresser, prend un aspect dur, empêche le sang de circuler normalement (barrage), et entraîne un ictère (jaunisse), une ascite (liquide dans l'abdomen) et des varices dans l'oesophage pouvant se rompre et saigner.






La cirrhose peut évoluer vers une complication grave telle que le cancer du foie (hématome).


Les effets sur le pancréas 


La consommation excessive d'alcool peut entraîner une inflammation du pancréas (pancréatites

Le pancréas a pour fonction de sécréter de l'insuline et de transformer les lipides alimentaires. 
La prise d'alcool entraine des inflammations pancréatites  aiguës très douloureuses, responsables de douleurs abdominales survenant par crises, d'une inflammation de l'oesophage ou de la muqueuse de l'estomac. 

Les effets sur l'estomac 


L'alcool est un produit agressif pour les muqueuses. Les effets les plus courants sont un reflux gastro-oesophagien (risque de cancer de l'oesophage) et des inflammations des muqueuses : gastrites. Cette inflammation favorise la malabsorption de la vitamine B1, et donc des troubles neurologiques indirectement. 

Les effets sur le sang 


La consommation régulière et excessive d'alcool entraine :

- Une macrocytose (augmentation du volume des globules rouges) 








- Une diminution du nombre de plaquettes sanguines et du taux de coagulation sanguine, qui augmentent les risques d'hémorragies graves ou de micro saignement répétés avec constitution d'une anémie.


Les effets sur les vaisseaux et sur le coeur


Une très forte consommation d'alcool augmente le risque : 
- d'insuffisance cardiaque 
- de maladie coronarienne (des artères du coeur)
- d'hypertension artérielle (HTA) (elle peut apparaitre à partir de 40g d'alcool pur consommés par jour)
- d'accident vasculaire cérébrale 


Les effets cancérigènes : 


L'alcool favorise le développement des cancers : ils se localisent principalement  au niveau de la bouche, de la langue, de la gorge et de l'oesophage, sans doute en raison de l'action irritante de l'alcool. Le risque du cancer du foie est aussi plus élevé chez les alcooliques. 

Chaque année, l'alcool est responsable de plus de 11000 décès par cancer : soit 8 à 10% de la mortalité cancéreuse française annuelle. 


Alcool et grossesse


L'alcool est un neuro-toxique en cas de grossesse. Il passe directement du sang maternel vers le foetus par le cordon ombilical et le placenta. 
Lors d'alcoolisation massive en début de grossesse (risques de malformations) et en cas de consommation régulière dans les deux derniers trimestres (retard de croissance, risques d'accouchement prématuré), les risques pour le foetus sont très élevés.







L'accoutumance et la dépendance


On peut parler d'accoutumance lorsque la consommation d'alcool est régulière et que les mêmes doses induisent des effets moindres. 
Très vite, pour obtenir les mêmes sensations, le buveur est amené à augmenter progressivement sa consommation. Ce besoin accru de l'alcool est lié à l'accoutumance du foie, qui, avec le temps, apprends à éliminer l'alcool de plus en plus rapidement; et à celle des cellules nerveuses, qui, à does égales, réagissent de moins en moins au stimulus alcoolique. 

La dépendance physique est également caractéristique de l'alcoolisme : un consommateur d'alcool devient alcoolique lorsqu'il ne peut plus s'arrêter de boire et que le fait de boire provoque chez lui des symptômes typiques (malaise généralisé avec tremblements et sueurs), appelés syndromes de sevrage. Ce syndrome disparait dès que le sujet reboit de l'alcool ; sinon, il s'aggrave et s'accompagne d'hallucinations pouvant aller jusqu'au délire aigu, associé à une déshydratation. 


Signes de la dépendance 


- modifications de la personnalité (jalousie, irritabilité, colères subites, comportement agressif...)
- désintérêt pour la nourriture
- négligence physique
- dissimulation des bouteilles
- modifications dans la façon de boire (commencer à boire plus tôt le matin ou passer d'alcool pas fort aux alcools forts)
- instabilité professionnelle


4 phases de la dépendance 


On peut considérer que le buveur est alcoolodépendant une fois qu'il est passé par ces 4 phases : 
 
Première phase : sa tolérance à l'alcool (capacité à boire sans ressentir d'effets nocifs) augmente. 
Deuxième phase : il commence à avoir des trous de mémoires
Troisième phase : perte de contrôle face à l'alcool (le buveur ne peut plus s'arrêter de boire même si il le souhaite).
Dernière phase : Un certain nombre de désordres psychiques et physiques caractéristiques s'installent. 


Théories qui expliqueraient la dépendance à l'alcool 


La théorie membranaire 

Au contact de l'alcool pris occasionnellement, les membranes (enveloppes des cellules du corps humain) modifient leur perméabilité et se fluidifient. Si les prises d'alcool sont plus régulières ces enveloppes deviennent rigides, ce qui correspond à leur nouvel état d'équilibre. Le sevrage entraine une rupture de cet état en déstabilisant la membrane qui ne peut retrouver sa stabilité qu'avec l'alcool. 

La théorie des déterminants biologiques de la dépendance à l'alcool

L'alcool agit sur plusieurs systèmes de neurotransmission : le système utilisant comme neurotransmetteurs le GABA, le glutamate, les endorphines et la dopamine.

Le GABA est un régulateur du fonctionnement des neurones. L'alcool facilite son action et est donc, à forte dose, dépresseur de l'activité neuronale. En prise chronique, le cerveau s'adapte et diminue la production de GABA. Il devient donc potentiellement plus excitable.

Le gluamate est un neurotransmetteur excitateur des neurones. L'alcool inhibe son action. La consommation chronique d'alcool augmente les réserves en glutamate et crée donc une excitabilité potentielle de l'alcool.

Lorsque le buveur arrête brutalement l'alcool, cette hyperexcitabilité se démasque, par manque de GABA inhibiteur et par excès de glutamate excitateur. On observe alors des signes d'hyperexcitabilité du sevrage : tension anxieuse, tremblement, hallucinations visuelles, crises d'épilepsie.

La théorie des opioïdes endogènes 

La prise régulière d'alcool en importante quantité provoque l'accumulation dans le cerveau de l'acétaldéhyde. Celui-ci va se combiner avec des substances chimique du cerveau pour aboutir à la synthèse des substances, appelées endorphines, assimilables à la morphine.
Chez l'individu alcoolique, la prise régulière d'alcool entraine la mise en place d'une usine chimique de production d'équivalent de morphine à partir de l'alcool. Cette usine reste en mémoire dans le cerveau, même après une longue période d'abstinence, et pourrait expliquer les phénomènes de rechutes lors de tentatives de reprise de consommation d'alcool après de longues périodes d'abstinence.